Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 20:17

les yeux du tempsJe vais vous faire une confidence légère : tout le monde pense que je suis un monomaniaque du vélo et ce n’est pas faux, mais même les passionnés extrêmes peuvent avoir des passions secondaires ; c’est mon cas.

Et cette passion secondaire, je peux en parler sans honte, elle n’est pas plus scabreuse et originale que celle du vélo. Depuis que je sais lire les phylactères de ce qu’on appelait à l’époque les « illustrés », ainsi que les volumes verts de la Bibliothèque Verte, je lis, que dis-je je lis, je dévore tous les ouvrages qui appartiennent à ce genre littéraire souvent méprisé : la science-fiction. Bien sûr, ma voracité a vite dépassé le littéraire pour se perdre aussi dans le 7ème art  qui, depuis quelques années, a bien vu que ce secteur lui permettait d’exploiter au mieux sa puissance technologique.

En quoi cet aveu sans risque peut-il vous intéresser ? Honnêtement, je me le demande…

Qu’ils lisent peu ou prou, la plupart des lecteurs ne connaissent pas les auteurs de SF. Ils vous citeront H.G. Wells et Jules Verne puis, triomphalement, en sautant de nombreuses années de production littéraire, Ray Bradbury, ce cas presque unique de récupération par la Big Littérature.

Heureusement, le passionné fonctionne dans son milieu comme un mollusque bivalve, il avale et filtre tout ce qui passe à sa portée, le bon grain comme l’ivraie, sans se soucier de sa digestion. Cette attitude peu subtile permet de découvrir des œuvres et des écrivains rares avec, vous l’imaginez, un plaisir rare. Ce fut mon cas lorsque je lus en gourmet cette nouvelle de Bob Shaw dont je viens de voler le titre magnifique (en anglais, Light of other days). Je ne suis d’ailleurs pas le premier à lui avoir volé son titre. Peu d’années après la mort de Bob Shaw, le bien plus célèbre Arthur C. Clarke a donné exactement le même titre à un de ses romans qui proposait une histoire intéressante mais tellement plus classique de camescope spatio-temporel. Je dis classique parce qu’il avait eu recours, comme tout le monde, au tour de passe-passe sience-fictionnesque du « trou de ver ».

L’idée géniale de Bob Shaw, et qui tient à l’aise dans le cadre d’une nouvelle, c’est l’invention fortuite par l’humanité du verre lent. Oubliez le jeu de mot franchouillard, Shaw est un écrivain irlandais. Ce verre est dit « lent », parce qu’il restitue la lumière aussi bien que n’importe quelle vitre, mais en la ralentissant plus ou moins. Ne me demandez pas comment il se fait que les photons voyagent dans le verre lent à une vitesse paramétrable, bien inférieure à celle de la lumière. Imaginez plutôt l’application. Vous passez devant vos fenêtres en verre lent du  RDC, vous rentrez chez vous, vous attendez 2 minutes avant de regarder par la fenêtre et, ô joie, vous vous voyez passer comme pour de vrai. Et imaginez la suite. Vous installez un grand panneau panoramique de verre lent en bonne place devant un paysage de montagne, avec un retard réglé à la fabrication à un an, vous le laissez ingurgiter tranquillement un an de photons montagnards, vous le reprenez si personne ne vous l’a piqué pour l’accrocher au plus grand mur de votre salon et vous avez pendant un an, dans votre appartement du centre ville,  une vue imprenable et hyper réaliste sur le Mont Blanc par exemple, avec l’enchaînement des saisons et tout. Bien sûr, si vous préférez les paysages marins, vous pouvez vous offrir le Vieux Port. Et si vous êtes assez riche pour vous payer un deuxième panneau, vous pouvez faire tourner toute sorte de paysages d’agrément au mur de votre salon.

Vous l’avez compris, le verre lent ne sert pas à grand-chose. A l’époque de la vidéo numérique high et hyper, c’est un procédé de stockage peu pratique, volatile et non rejouable, comme le temps qui passe ; en plus, il faut prendre rendez-vous pour en profiter… Magnifique, non ?

Et j’ai enfin atteint le point critique de mon article. Quel est le rapport avec ma passion première et donc avec notre blog ?

Tenez-vous bien, dans le sillage de Bob Shaw, je viens « d’inventer » les lunettes de cycliste à verres lents, enfin l’idée. Pas pour rouler, évidemment, parce que, même avec des verres qui ne retardent que de quelques secondes, le dispositif serait assez casse-gueule. Justement, dans la nouvelle de Shaw, la propriété de ralentissement de ce verre avait été découverte grâce à de nombreux accidents de voitures équipées de pare-brise spéciaux anti-chaleur. On voulait quelque chose d’industrialisable et on bascule dans la poésie.

Mieux qu’un procédé 3D, mes lunettes à verres lents me permettraient de revivre, l’automne venu, dans mon canapé, mes belles ascensions de la belle saison, pour peu que j’arrive à coincer les verres lents dans mon casque au-dessus des vraies lunettes, lors de mes randonnées. Je ne dis pas que c’est mieux que la photo, mais au moins la prise de vue se fait sans arrêt et redémarrage. Bien que passionné, j’ai l’esprit pratique.

Enfin, ma dernière heure venue, ou plutôt quand j’aurai pris rendez-vous avec la mort, comme le vieil ami de Charlton H. dans « Soleil Vert », au lieu de subir des vidéos gnangnan en cinémascope sur une musique lénifiante, je demanderai qu’on me mette sur le nez les lunettes à verres lents de l’ascension du Cormet de Roselend  par moi, si je l’ai pu une dernière fois, ou par un ami cyclo. Qu’espérer de mieux que de mourir en traversant le décor du Cormet de Roselend ?

Je termine par un appel aux ingénieurs, et même (surtout) aux ingénieurs du dimanche. Mettez-vous sans tarder sur le chantier du verre lent. Les inventions heureuses sont si rares… qu’il nous faut les imaginer.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : La Roue Ensoleillée, le blog des cyclotouristes de l'ASPTT Marseille
  • : Puisque nous sommes des cyclotouristes, notre activité est un subtil compromis entre le sport et la convivialité. Donc de la randonnée, petite, grande et très grande, de la culture sans excés et de la bou..., pardon gastronomie, avec excès.
  • Contact

Contact pour le club

04 91 66 80 60
06 79 75 76 54

npp.rimini@wanadoo.fr

 

Nos rendez-vous


Le maillot

Recherche

D'où viennent-ils ?

Locations of visitors to this page

Et plus précisément...

Geo Visitors Map