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3 avril 2009 5 03 /04 /avril /2009 14:43

Il ne s’agit pas de ce regard qui s’égare où il ne devrait pas, mais du regard toujours porté plus loin par un corps sans cesse en mouvement. Et c’est le principe vélosophique de base énoncé par Didier Tronchet dans son Petit Traité de Vélosophie : « tout corps placé sur un vélo voit son regard sur le monde déplacé ».

Je sais que DT vise surtout un déplacement « intérieur » : par la magie du pédalage, le cycliste s’ouvre au monde et bascule dans l’humanité, et même dans la bonté, alors que, dans sa bagnole, le même homme est conforté dans son égoïsme et ses instincts de prédateur. Je ne déteste pas les développements moralistes autour de cette idée, je crois moi aussi que si l’on veut vraiment sauver le monde (et les villes), on est bien plus près de la solution avec le vélo qu’avec la bagnole. Mais j’ai envie de m’arrêter sur une image (Eh oui, de temps en temps, le cyclo renonce à sa mobilité), ou plutôt d’un rapprochement avec la technique cinématographique. Le cycliste, c’est vrai, bénéficie d’un effet de travelling de longue durée (bien plus long que celui de J-L Godard dans week-end), associé à une vision panoramique imprenable et sans bord : « Le travelling sur deux-roues nous offre une image fugitive mais pas volatile, suggestive sans être appuyée. Quelque part entre le clip épileptique automobile et le plan-séquence pépère, un poil soporifique, du piéton. » Une précision, comme on le constate à chaque sortie, le 360 ° degrés a ses limites dans notre peloton. Qui a dit que c’est dû à l’état de nos vieilles vertèbres ?

Je reconnais que j’ai souvent eu cette impression d’être dans un film, avec ces vues que nous offrent certaines routes et que le déplacement du vélo renouvelle constamment. Mais pas en ville. Il est vrai que DT se promène surtout à Paris, dans un décor prestigieux et fortement chargé d’histoire. Personnellement, je suis bien plus en phase avec le monde dans un décor non-urbanisé. Même si c’est apparemment contradictoire, je suis plus proche du sentiment « océanique » en grimpant une petite route des Baronnies qu’en descendant vers la mer par La Viste. Mais, au décor près, tout ce qu’il dit est vrai. Allons même au-delà : comme au cinéma, le vélo embellit la vie et surtout le décor. Montez les cols en bagnole et la montagne vous paraîtra sans relief.

Je me suis toujours demandé, en rentrant d’une sortie, ce qu’il m’en restait, à part les chiffres du compteur (kilométrage, dénivelée, voire vitesse moyenne). Et je me suis toujours heurté à quelque chose de presque informulable. Il y a bien la fatigue et ses manifestations progressives (du soir au matin), la soif, la faim, l’envie de dormir, car mon vélo c’est du sport. Il y a bien ce bain d’être, pardon, ce bien-être planant, dû sans doute à l’endorphine, parfois aussi aux données compteur. Il y a bien cette satisfaction, proche de l’orgueil, de la randonnée accomplie. Il y a bien cette certitude d’être pour un moment sorti de la médiocrité de la vie. Mais il y a surtout ces bouts de film, ces rushes, qui flottent dans mes souvenirs jusqu’à la prochaine traversée du même décor. Mais il y a enfin cette mystique du vélo, qui forcément existe, puisque j’ai presque trouvé la formule de l’informulable. Je parlais d’une harmonie entre la machine, le corps et le décor, et je lis dans le Petit Traité : « L’esprit vélo dans son rapport avec la nature c’est la recherche tranquille de cette fraction d’éternité où machine, homme et environnement ne font plus qu’un ; ce petit orgasme cosmique, cette fiction (à cet instant infiniment réelle) que nous faisons partie d’un grand ensemble vivant ». C’est aussi, précisément, ce que Romain Rolland (qui ne faisait pas de vélo) appelait le « sentiment océanique », peut-être en souvenir des poissons que nous fûmes (nous, les vivants), il y a des milliards d’années.

Alors, grand merci à DT de m’avoir beaucoup aidé à comprendre ma mystique. Mais alors (derechef), subsiste un mystère : pourquoi diable ne s’intéresse-t-il à aucun moment au seul sport qui ait su sortir de ses statuts et de son esprit la compétition ? Pourquoi ne dit-il pas un mot du cyclotourisme ?

J’attends naïvement une réponse. Et je ne suis pas rancunier : je conseille à tout le monde cette lecture raffermissante.

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commentaires

T
<br /> <br /> j'aime tes réflexions Daniel.<br /> <br /> <br /> à ta lecture j'ai l'impression fugace d'être moins con.<br /> <br /> <br /> merci<br /> <br /> <br /> <br />
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A
Je ne suis pas étonnée qu'un amateur de vélo des villes ne s'intéresse pas au vélo des champs. Je connais des tas d'amateurs de vélos des champs qui ne pratiquent pas le vélo des villes ! La distance entre ces deux disciplines est comparable à celle qui sépare le cyclotourisme du vélo de compétition.
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  • : Puisque nous sommes des cyclotouristes, notre activité est un subtil compromis entre le sport et la convivialité. Donc de la randonnée, petite, grande et très grande, de la culture sans excés et de la bou..., pardon gastronomie, avec excès.
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